L’entorse du ligament latéral externe de la cheville est, sans nul doute, la pathologie traumatique la plus fréquente, touchant sans distinction “le sportif du dimanche” (6 000 cas par jour en France[1], 23 000 cas par jour aux USA [2]) comme le sportif professionnel (25% des blessures chez les basketteurs de Pro A au cours de la saison 1995/1996). L’entorse latérale représente 90 % des entorses [1]. Elle se produit sur un mouvement de flexion plantaire, adduction et supination [3]. Le taux de récidive s’élève à 80 % chez l’athlète [4]. Malgré les études cliniques et les recherches menées, le taux de récidive reste important et les raisons pour lesquelles les entorses de cheville se produisent restent imprécises. Dans ce contexte, le retour à un état fonctionnel antérieur à la lésion, voire à un état supérieur – en termes de performance – semble difficile.
Or, sa prise en charge thérapeutique, qu’elle soit médicale ou rééducative, est aujourd’hui, dans son ensemble, bien connue de tous.
Pourtant nous constatons, depuis plusieurs années, qu’il existe une recrudescence non négligeable des complications concernant cette pathologie, soit sous forme de douleurs résiduelles péri-articulaires, soit de façon fréquente sous forme d’instabilité chronique objectivée par des épisodes d’entorses à répétition plus ou moins graves et dont les facteurs déclenchants sont de moins en moins francs (notion d’entorses spontanées).
En dehors d’un diagnostic différentiel à l’origine de cette instabilité (luxation des péroniers, diastasis péronéo-tibial, corps étranger intra-articulaire…), la proprioception de la cheville et sa faculté à réagir face à des stress plus ou moins importants est au coeur du débat.
Nous pensons que deux aspects de la rééducation proprioceptive sont à prendre en considération :
- l’aspect qualitatif
- l’aspect quantitatif qui touche plus particulièrement le sportif professionnel.
En effet, chez ce dernier, les conséquences économico-sportives de son arrêt vont nécessiter une compression maximum de son indisponibilité au profit d’un ré-entraînement le plus précoce possible. De ce fait, la rééducation proprioceptive, si elle est bien exécutée dans un premier temps, se retrouve dans une deuxième temps incluse dans l’activité sportive et autogérée avec plus ou moins de réussite et de sérieux. Car, une fois que l’athlète est réintégré dans son équipe, la compétition reprend souvent ses droits et redevient parfois prioritaire au détriement de la rééducation.
En ce qui concerne le travail proprioceptif proprement dit, nous ne reviendrons pas sur l’aspect anatomo-physiologique de la re-programmation neuro-motrice ni sur son efficacité. Par contre, nous pensons que la richesse du pied en récepteurs sensibles aux étirements, en baro-récepteurs, ainsi que sa complexité arthrologique nécessite un appareillage plus adapté que les outils proposés aujourd’hui.
Dans la phase de déstabilisation unipodale, les différents supports habituellement utilisés sur lesquels les sportifs sont placés, offrent une balistique angulaire telle que la participation du genou devient prédominante dans la stabilité du patient. De la même manière, l’oreille interne et le système cérébelleux relayent les récepteurs proprioceptifs et diminuent d’autant l’efficacité de la rééducation. De plus, la taille des plans instables proposés ne permettent pas de dissocier, de façon sélective, le travail de l’avant-pied par rapport à l’arrière-pied ou inversement. Ils n’autorisent pas non plus la possibilité, pour le sportif professionnel, de travailler en auto-rééducation dans les meilleures conditions et donc de combler le vide quantitatif énoncé plus haut.
C’est à partir de ces constatations que nous avons envisagé d’élaborer une conception différente de la rééducation proprioceptive de la cheville et du pied.
Pour cibler de façon plus efficace le renforcement de ces articulations, une réduction des plateaux classiques nous a paru indispensable, tout en conservant un socle identique (sphère ou demi-cylindres).
Nous avons ainsi créé les PROPRIOFOOT. Quatre plaquettes de 10 cm de côté différentiables par leurs couleurs et leurs supports (photo 1)
- La plaquette verte comporte 2 demi-cylindres disposés parallèlement sur la longueur des deux côtés lui assurant une stabilité parfaite.
- Les plaquettes jaune et bleue sont identiques et possèdent 2 demi-cylindres alignés situés en leur milieu permettant une instabilité dans un seul plan de l’espace.
- La plaquette rouge présente une demi-sphère fixée en son centre permettant une instabilité dans tous les plans.
Leur petite taille et leur plus faible débattement angulaire vont donc permettre une bien meilleure sollicitation des muscles du pied avec, en plus l’opportunité de respecter une progression très régulière lorsque l’appui unipodal est réalisable.
En s’utilisant par paire, elles offrent la possibilité d’effectuer une activité proprioceptive sélective très précise de l’avant-pied par rapport à l’arrière-pied et inversement.
Tous les exercices se réaliseront sur le même principe : le sportif devra rester en équilibre sur son pied lésé, placé sur deux plaquettes choisies par le thérapeute (photo 2).
Photo 1 Photo 2
Voici quelques exemples de combinaisons réalisables de la plus simple à la plus complexe dans le cas d’une atteinte des ligaments externes de l’articulation tibio-tarsienne :
- 1er exercice : la plaquette verte est placée sous l’avant-pied. La bleue (ou la jaune) est placée sous l’arrière-pied ; l’axe des demi-cylindres dans le sens longitudinal. Cette situation permet de recruter les muscles stabilisateurs de la cheville sans trop de contrainte au niveau des ligaments latéraux ; l’avant-pied étant stabilisé (cf. photo 3). En progression, on pourra remplacer la plaquette jaune (ou bleue) par la rouge.
- 2ème exercice : c’est la configuration inverse de l’exercice 1. La plaquette verte est sous l’arrière-pied et la plaquette jaune (ou la bleue) sous l’avant-pied. Celui-ci est dont libre de se mobiliser en éversion/inversion par rapport à l’arrière-pied qui est stable. Le renforcement des mucles péri-maléollaires et notamment des périonniers latéraux est alors très efficaces. Idem que précédemment, on remplacera progressivement la plaquette jaune (ou bleue) par la rouge.
- 3ème exercice : la plaquette jaune est placée sous l’avant-pied ; les demi-cylindres dans l’axe antéro-postérieur. La bleue est sous l’arrière-pied, dans le sens de la diagonale. Cette dernière situation introduit une stabilité minime de l’arrière-pied car l’axe de la plaquette bleue se trouve à 45° par rapport à l’axe longitudinale et à 45° par rapport à l’axe transversal. Là encore, nous remplacerons plus tard, et pour plus de difficultés, la plaquette jaune par la rouge.
- 4ème exercice : les deux plaquettes jaune et bleue sont placées avec les demi-cylindres dans l’axe longitudinal du pied, créant des contraintes d’inversion/éversion sur l’ensemble de celui-ci. La rouge pourra être placée sous l’arrière-pied puis sous l’avant-pied provoquant ainsi la situation d’instabilité la plus délicate.(photo 4)
Photo 3 Photo 4
Les exercices décrits ici ne sont qu’un exemple d’enchaînements parmi tant d’autres. Le praticien pourra bien évidemment les adapter en fonction de la pathologie et des aptitudes de son patient.
Lorsque les PROPRIOFOOT seront utilisés en auto-rééducation, nous pourrons proposer à l’athlète quatre étapes qu’il devra réaliser successivement avant de passer à un exercice plus difficile :
– équilibre unipodal, bras écartés
– équilibre unipodal, bras croisés
– équilibre unipodal, bras écartés, yeux fermés
– équilibre unipodal, bras croisés, yeux fermés
La reprogrammation neuro-motrice de la cheville et du pied est sans nul doute l’une des armes essentielles pour lutter contre l’instabilité chronique de la cheville. Nous pensons qu’elle doit faire l’objet d’une stratégie spécifique, notamment lors de sa phase unipodale, grâce à l’utilisation d’outils plus adaptés.
D’autre part, il est à notre avis indispensable d’insister sur le fait que la proprioception doit être poursuivie le temps nécessaire lorsque l’athlète réintègre son équipe ou son groupe d’entraînement. Car, c’est pendant cette période où la cheville n’est pas encore à 100% qu’elle est vulnérable. Les risques de récidive sont alors réels et peuvent engendrer des complications qui au bout du compte augmenteront la durée d’indisponibilité du sportif.
Diverses études ont été réalisées notament par des étudiants kinés en Belgique pour leur mémoire de fin d’année et ces dernières révèlent [5] [6] [7] [8]
L’auto-rééducation peut être dans cette phase un compromis très acceptable permettant à l’athlète de continuer seul la proprioception, tout en minimisant les dangers d’une rechute. De plus, leur faible encombrement les rendant transportables, les PROPRIOFOOT s’adapteront parfaitement à la vie du sportif professionnel faite comme chacun le sait de multiple déplacements.
Pour toute information complémentaire, vous pouvez nous joindre sur le site internet :
https://www.propriofoot.com
RÉFÉRENCES:
[1] Agence Nationale d’Accréditation et d’évaluation en Santé (www.anaes.fr). Recommandations pour les pratiques des soins : Rééducation de l’entorse externe de la cheville, 2000.
[2] Hertel J. Functional anatomy, pathomechanics, and pathophysiology of lateral ankle instability. J Athlet Train 2002;37:364-75.
[3] Ashton-Miller JA, Ottaviani RA, Hutchinson CH et al. What best protects the inverted weightbearing ankle against further inversion. Am J sports Med 1996;24:800-9.
[4] Smith RW, Reischl SF. Treatment of ankle sprains in young athletes. Am J Sports Med 1986;14:465-71.
[5] Mémoire F. Leblanc Comparaison de la rééducation proprioceptive statique via le Propriofoot et de la rééducation proprioceptive dynamique via le Myolux à travers l’entorse externe de cheville
[6] Mémoire E. Adam : Les Propriofoot® permettent-ils une amélioration de la qualité neuro-musculaire de la cheville ?
[7] Mémoire G. Hafner : La pratique du propriofoot peut-elle améliorer les facultés d’équilibre de la cheville ?
[8] Mémoire B. Lesage : Intérêts de dissocier l’avant-pied de l’arrière pied lors d’un entraînement proprioceptif de la cheville et du pi
BIBLIOGRAPHIE
Basket-Ball
– n° 621, juin 1997 – J. Huguet : les blessures en basket-ball
Kiné Scientifique
– n° 283, octobre 1989 – P. Dessoutter : rééducation proprioceptive au quotidien
– n° 334, mai 1994 – S. Rottigni, D. Hopper : entorse chronique de la cheville : faiblesse péronière chez les basketteuses
Sport Med
– n° 101, avril 1998 – Ph. Chaduteau : la cheville
– n° 106, novembre 1998 – J.M. Coudreuse, A. Boussugues, J. Duby, C. Brunet : l’entorse du ligament latéral externe de la cheville
– n° 124, septembre 2000 – Middleton, P. Puig, L. Savalli, P. Trouvé : rééducation proprioceptive… Et si Freeman avait tout faux
Lire l’article : reeducation_de_la_cheville_kak
Kiné à kiné